Le marché, une fois par semaine
Le jeudi, je n’avais pas école. Nous partions tôt le matin, ma mère et moi, pour le marché situé à quatre kilomètres à pied environ de la maison, dans le quartier de la Capuche. C’était un marché découvert, dans un quartier populaire.
Ma mère faisait le tour des étals, je cavalais derrière son caddy à roulettes. Les légumes étaient empilés en vrac dans des cageots, sans souci de présentation. Des ardoises griffonnées posées dessus. Moi, je trouvais que tout était bon à acheter, mais ma mère m’ordonnait de me taire : son long périple lui servait à comparer les prix.
Après le tour complet du marché, ma mère prenait enfin place dans une file d’attente. Elle levait alors une main et le vendeur lui remettait aussitôt une bassine en fer cabossée. En avançant dans la queue, elle entassait dans la bassine les légumes qu’elle choisissait soigneusement.
Quand arrive notre tour, tout va très vite : le marchand sort les carottes de notre bassine, les jette sur la balance à poids, si énigmatique à mes yeux. L’aiguille vacille quand, hop ! Il les déverse déjà dans le caddy ouvert de ma mère, en annonçant un poids ? Un prix ? Pareil pour les autres légumes, les uns après les autres, à toute vitesse. Puis, il fait un rapide calcul mental en griffonnant des chiffres sur un papier volant qu’il tend à ma mère : « Et voilà, ça fait 10 francs et 32 centimes » !
Ma mère cherche à lire le petit papier illisible d’un air soupçonneux que bien sûr, elle n’arrive pas à déchiffrer et finalement elle paye, visage renfrogné, convaincue de s’être faite avoir. Le marchand lui rend la monnaie, faisant déjà du gringue à la cliente suivante.
Du haut de mon petit âge, j’ai moi-même vite compris qu’il était facile, à cette époque, d’annoncer n’importe quel prix dans ces échanges commerciaux pour le moins expéditifs !
Les marchés alimentaires sont des lieux qui m’attirent irrésistiblement.
Partout où je voyage, je cherche le marché. C’est un lieu où la vitalité est démultipliée. J’en ressors toujours régénérée, pleine d’envies de cuisiner, de partager, de manger.
Peu de choses ont changé dans les marchés depuis mon enfance. Sauf peut-être l’achat d’un poulet, ou d’une poule…